Cette interprétation peut toutefois paraître peu satisfaisante dans la mesure où elle semble réduire la beauté à la fonctionnalité. Mais, pour lui, la mimésis n’est plus articulée sur l’opération de dévoilement d’une présence extratemporelle qui se laisse saisir derrière le sensible. Platon distingue œuvre d’art et quête du beau. Or il faudrait alors admettre qu’il suffit qu’une pensée soit cohérente pour être, du point de vue théorique, vraie, ou, du point de vue pratique, bonne, faute de quoi elle ne saurait être une belle pensée. Platon y voit l’illusionnisme, Aristote y voit une forme épurée du réel. Il nous apparaît particulièrement réactionnaire, et en tout cas intempestif : l’inféodation de l’artiste à l’État nous paraît contraire à la liberté de création, que nous considérons comme une condition de la réussite de l’art. Mais l’intérêt de ce jugement est précisément que Platon parlait en connaissance de cause, non seulement en tant que contemporain de l’art qu’il critique, mais en tant que praticien lui-même de certains arts : il avait assimilé toute la culture littéraire de son temps, mais aussi appris la musique et la danset, et, selon Diogène Laërce, « il s’initia à la peinture, écrivit des poèmes, d’abord des dithyrambes, puis des vers lyriques et des tragédies » (Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, livre III, 5). Elle doit en outre donner lieu à un dénouement unique – malheureux, et non pas heureux pour les bons et malheureux pour les méchants : contre le goût du public, Aristote défend la pureté du style tragique (ch.13, 1453a 23-36, p.47) – aussi dit-il qu’Euripide est, Le resserrement de l’action dans la tragédie est la raison de la préférence avouée d’Aristote pour le genre tragique (ch.26), à l’encontre de ce qu’il présente comme une opinion répandue. En outre, on peut rattacher le plaisir de l’imitation au plaisir de la connaissance, car l’image fait connaître. Lorsqu’il pense en vue de produire une connaissance scientifique, l’intellect analyse et démontre, c’est-à-dire distingue des concepts et enchaîne logiquement des propositions : ces opérations sont essentiellement discursives et mettent en œuvre des médiations. Il ne faut d’ailleurs pas chosifier ou matérialiser la notion de forme. Platon y voit l’illusionnisme, Aristote y voit une forme épurée du réel.L’art selon Platon et les néoplatoniciens. Ce qui fait la beauté de la tragédie et de l’épopée, c’est que les personnages et les actions qu’elles mettent en scène échappent à la contingence purement factuelle du hasard : ils acquièrent une sorte de nécessité en tant que partie d’un tout qui est une histoire, et qui constitue une œuvre. C’est pourquoi une bonne Cité ne doit « admettre en aucun cas la poésie imitative » parce que « toutes les œuvres de ce genre », c’est-à-dire celles des « poètes tragiques et autres imitateurs », « ruinent l’esprit de ceux qui les écoutent lorsqu’ils n’ont pas l’antidote (pharmakon), c’est-à-dire la connaissance de ce qu’elles sont réellement » (595a-b). L’imitation est donc pour Aristote un moyen nécessaire à la production artistique, répondant à un désir naturel de l’homme, mais le plaisir qu’elle procure ne réside pas seulement dans la perception d’une conformité entre l’image et le modèle. Elle le sera encore au sens où elle comportera une satisfaction analogue au sentiment de la beauté sensible, mais plus grande encore : comme Platon l’enseignait, il y a une beauté de l’intelligible, et une joie « esthétique » à la contempler. Chez Aristote, l’œuvre d’art n’est pas le produit d’une approche négative de la vérité comme chez Plotin. L’œuvre d’art se donne alors pour principale fonction de dévoiler la présence de l’intelligible entendu comme fond métaphysique du temps hors-temps[8]. En ce qui concerne les hommes, l’art devra se donner pour but leur édification morale, par la représentation des vertus plutôt que des vices, et notamment des vertus nécessaires aux gardiens de la Cité : sagesse, tempérance, courage, justice. L’âme reconnaît dans le sensible la présence de ce qui est de même nature qu’elle : l’idée (I, 6, ch.2, 1-11). La beauté du Taj Mahal dont la reconnaissance immédiate s’impose intuitivement à nous, repose sur une stylisation de l’amour et de la mort. D’un autre côté, on peut accorder à Plotin que la notion stoïcienne de proportion ne s’applique qu’aux corps composés, et non pas à leurs parties considérées isolément, alors que, comme ils le reconnaissent implicitement, il y a aussi une beauté de ces parties, que Plotin appelle, par opposition à celle des touts composés, une beauté « simple (haplous) » : on parle bien du beau son d’un violon, qu’on peut l’apprécier sur une seule note, et qui rend la musique plus belle que si elle est jouée avec des instruments grinçants. Se référant à une « réalité véritable » il affirme, à l'inverse de Platon, que seul l'art est en mesure d'y avoir accès. Lisez le TOP 10 des citations de Platon pour mieux comprendre sa vie, ses actes et sa philosophie. Ce qui caractrérise une technè, c’est donc essentiellement la connaissance de la règle : c’est elle qui permet à l’homme de l’art de savoir pourquoi il fait ce qu’il fait. L’inattendu, c’est, par exemple, la rencontre d’Œdipe et de Laïos, et l’assassinat du second par le premier, lesquels viennent cependant s’inscrire dans la logique de l’accomplissement du destin implacable d’Œdipe annoncé par l’oracle, et réalisé à la fois malgré et par tous les efforts qui sont faits pour l’y soustraire. Le principe général est ici celui d’une subordination des parties au tout (ch.8, 1451a 30-35, p.41 – Texte 3). Pourquoi, dès lors, une telle culture de l’illusion ? Éros est l’artisan qui unit ce qui était séparé, et de cette union naît un troisième terme : l’œuvre d’art qui synthétise et valorise. ? Il sera incapable d’interpréter la technique illusionniste de Véronèse. A partir du 5ème siècle avant J.C, une autre génération de philosophes est entrée en scène, et eux, abordaient directement la question politique, puisque qu’ils étaient des professeur… Puisque l’art pictural grec prétend imiter la nature sensible, et s’adresse à la perception, il est considéré par Platon comme un artifice trompeur. Dans le livre VI de la République (505 ss), les deux termes agathon et kalon sont constamment associés ou utilisés l’un pour l’autre. Prenons un morceau d'airain, nous dit-il, certaines caractéristiques le différencient des autres métaux. Platon conçoit donc l’idée d’une imitation poétique au service de la vérité. C’est d’après celle-ci que l’artisan produit, et non pas d’après une navette singulière et sensible. Le ready-made de Marcel Duchamp, les œuvres de Malévitch, de Stella ou d’Andy Warhol, pour ne citer qu’eux n’ont pas de vie propre dans la mesure où, sorties du contexte [36] qui les légitime et des théories qui leur donne du sens [37], elles ne sont pas identifiable comme œuvre d’art, sinon en tant qu’objets décoratifs ou objets du quotidien. On peut la comparer au type de production que nous appelons technique, au sens moderne du terme. Cette histoire doit être complète, c’est-à-dire avoir un commencement, un milieu (nœud) et une fin (dénouement). Le peintre amateur amène bien à l’existence une forme nouvelle sans qu’il s’agisse pour autant d’une œuvre d’art. La condition présupposée est évidemment que le législateur soit philosophe. Les deux versifient, mais seul Homère imite, tandis qu’Empédocle met en vers ses théories explicatives (Aristote lui reprochera d’ailleurs dans ses Météorologiques de prendre ses belles métaphores pour des explications, par exemple : « la mer est la sueur de la terre ». Au contraire, l’activité du technitès – on peut traduire ici par artiste –, telle que Plotin la présente, consiste à produire son œuvre « comme un tout, non comme l’agencement d’une multiplicité ramenée à l’unité, mais plutôt comme une unité qui s’analyse en multiplicité » (V, 8, ch.5, 5-7). Les deux premières technaï sont donc subordonnées l’une à l’autre, et à la fin qui détermine l’idée de leur objet commun. Cette histoire doit être complète, c’est-à-dire avoir un commencement, un milieu (nœud) et une fin (dénouement). L’odalisque d’Ingres a trop de vertèbres, mais ce n’est pas une vilaine peinture. Les exemples que prend Aristote, comme la construction d’une maison, relèvent plutôt de ce que nous appelons l’activité technique. Le premier, dans une notation en marge de l’édition de la, C’est assez conforme à ce que dit Aristote en, Il s’agit d’une purgation de l’âme, analogue à celle du tube digestif, et de nature homéopathique : l’âme s’immunise contre les émotions, et plus précisément contre leur éventuelle violence dans la vie réelle. [14] Aristote, « La poétique », chap. La définition stoïcienne ne fait pas de la symétrie, au sens géométrique du terme, une condition de la beauté, comme si seuls les objets symétriques en ce sens pouvaient être beaux, et comme si un corps ne pouvait être beau qu’à la condition de ne rien comporter qui rompe une telle symétrie (autant dire qu’on ne pourrait être beau qu’à la condition, en se peignant, de se faire une raie au milieu…). Le langage quant à lui sert à énoncer le vrai : il s’adresse à l’intelligence plutôt qu’aux sens, et il est pour nous le seul instrument pour connaître les réalités qui ne tombent pas sous le sens. M… Du fait qu’elle contient en elle-même sa propre logique, sa propre signification, l’image métaphorique parle d’elle-même, elle n’a pas besoin de rechercher à l’extérieur d’elle sa signification. Dans « De l’Âme » (livre II), Aristote définit l'âme comme « l’entéléchie première d’un corps naturel qui a la vie en puissance ». Le Taj Mahal est une métaphore de l’amour au delà de la mort. S’il n’y a pas là de contradiction, il faut rendre compte de cette unité dans la mutltiplicité, faute de quoi le prédicat en question apparaîtra comme un vain mot, soit une pure dénomination ne renvoyant à aucune unité réelle. C’est parce qu’il est une mimètikè ou une mimèsis que l’art peut avoir l’air d’une compétence universelle. Le supplément d’être qu’introduit l’artiste « classique » —nous verrons plus loin la différence avec l’artiste « contemporain »— est générateur de sens et de beauté. On récuse les techniciens incompétents. Imiter la nature ne veut donc pas dire : la redoubler inutilement, mais réaliser certaines fins humaines comme la nature les produirait elle-même : « si une maison était un produit naturel, elle serait produite comme elle l’est en fait par l’art ; et si les êtres naturels étaient produits (gignoïto) non seulement par la nature mais par l’art, ils le seraient de la même façon que par la nature » (ibid., 12-15). Cette ambiguïté du beau conduit Platon à faire une distinction entre beauté réelle et beauté apparente, énoncée dans l’Hippias majeur (294a-c), et reprise dans le Sophiste (236a). De même les héros épiques et tragiques doivent être composés comme les bons portraits : le bon portraitiste embellit son modèle, non pas pour le flatter, mais pour parfaire son œuvre – on pourrait dire : pour que son œuvre ait précisément une beauté inédite qui n’appartenait pas au modèle lui-même. Platon déprécie largement l'art quant à son imitation, car selon lui, elle n'est que "représentation de représentation", c'est-à-dire une représentation de l’apparence, de l’image de quelque chose, et non pas de son essence. passer de la beauté corporelle à celle de l’âme, et produire des discours capables d’édifier spirituellement, en montrant ce qui est beau dans les occupations et les lois ; prendre conscience de la beauté inhérente à la connaissance, et multiplier les connaissance ; C’est pourquoi il est très difficile aux hommes de savoir maintenant ce que sont la justice et la sagesse : la, Le privilège qui fonde la fonction morale de la beauté – son, Le risque est alors que l’amour du beau se corrompe en amour du plaisir, si le plaisir de la beauté est confondu avec n’importe quelle autre jouissance. L’, Mais Platon retourne l’argument : il n’y a là qu’une opinion, et une illusion qui provient de l’irréflexion, car il est impossible que les poètes soient compétents en tout ce dont ils parlent. L'émotion esthétique fait partie du jeu de l'art. Mais une telle imitation doit être réservée à la représentation des caractères et des actions vertueux : à cette condition, elle pourra être appréciée comme un « amusement » inoffensif (396e : atimazôn tè dianoïa hoti mè païdiâs charin). On comprend au bout du compte un jugement surprenant d’Aristote sur la poésie, celui qui dit qu’elle est « plus philosophique et plus sérieuse que l’histoire » (ch.9, 1451b 5 – Texte 17). La réponse est pour Platon à chercher du côté des intentions auxquelles répondent les œuvres, tant chez leurs producteurs que chez leurs récepteurs. Plotin, le néo-platonicien, revisite l’interprétation platonicienne de l’art en la rectifiant. L’illusion engendrée par l’art du langage consiste à faire passer le discours faux (pseudès logos) pour un discours vrai (alèthès logos). Platon cite par exemple Thalès, Anacharsis le Scythe (à qui on attribue l’invention de l’ancre et du tour de potier), et Pythagore. A cette question, sienne, Heidegger fraye un accès, pour ainsi dire oblique, dans son Jankélévitch, p.34), et s’en tient à l’interprétation courante, pour souligner qu’elle condamne l’art à n’être qu’un double inutile, dans lequel l’homme devrait trouver moins de satisfaction que dans les objets qu’il invente lui-même, notamment dans le domaine technique. Plus que Platon, Aristote a développé les éléments d’une théorie esthétique. A contrario, en faisant de l’œuvre d’art la construction analogique d’une réalité dont on ne retient que certains attributs essentiels pour les mettre en valeur, Aristote conçoit la mimésis sur le registre de la métaphore. Dans ce registre, il est nécessaire de faire appel à la notion d'attribut dominant : cet attribut dominant est le trait de similarité qui sert de fondement à l'établissement du rapport métaphorique. Si en effet les sens ne nous donnent pas un accès direct à « la pensée (phronèsis) », c’est-à-dire à l’intelligible, la beauté en revanche est la seule parmi les idées à être accessible même aux sens, et notamment à la vue. La véracité ne constitue pas l’essence de la poésie puisque le vrai peut aussi bien être énoncé en prose. HEIDEGGER, PLATON, ET L'ART GREC Il est question ici du commencement de la métaphysique. « L'art est la mise en œuvre de la vérité. Fiche sur Platon, L’art et la Vérité, République X!! L’intervention du sculpteur imprime un principe de détermination qui amène l'altérité potentielle de l'airain à l'être en acte de la statue. Mais, en dehors de son reflet sur les choses on ne voit jamais la lumière elle-même qui est le véritable sens des choses. La deuxième expression utilisée par Plotin oblige à revenir au sens étymologique de la summétria, qui signifie littéralement le fait d’avoir une mesure commune, une commensurabilité, autrement dit une proportion. Au ch.2, Aristote appelle imitation non seulement la représentation conforme, mais encore la représentation en mieux ou en pire, que ce soit en poésie ou en peinture (1448a 1-9 – Texte 15). Ainsi les corps naturels sont tous composés des mêmes éléments matériels, mais chacun doit sa spécificité au type d’organisation qui le constitue, et qui en fait un corps et tel corps, distinct des autres, soit qui lui donne à la fois son unité et son type. Plotin présente la thèse stoïcienne comme une opinion dominante : La deuxième expression utilisée par Plotin oblige à revenir au sens étymologique de la, Plotin relève toutefois que la beauté, telle que les Stoïciens la comprennent, ne se limite pas à cette idée de proportion : s’y ajoute la mention des « belles teintes ». Selon cette même interprétation aristotélicienne, nombre de productions contemporaines, en tant qu’œuvres d’arts, vivent par procuration. – En effet, l’élan amoureux vers la Beauté représente, aux yeux du philosophe, un puissant instrument d’accès au … Comme la sophistique (8), l'art (9) est en effet une technique d'imitation et de simulation (ή μιμητική). C’est pourquoi l’initiation part de la beauté sensible pour remonter à la beauté absolue. De la même façon qu’une bonne tragédie est un « système de faits »[13] qui imite une action dont elle retient les attributs essentiels mis en valeur au moyen d’une intrigue unifiée et complète, toute œuvre d’art est une mise en ordre unifiante et valorisée par la schématisation des traits essentiels d’une réalité qui, elle, est vécue sur le mode de la dissémination, de la juxtaposition, de la confusion, du hasard et de contingence. Dès le début de la Poétique (ch.1), il reprend l’analogie avec la peinture, et fait valoir qu’il y a aussi de l’imitation en musique (plutôt qu’à la Symphonie pastorale, il faut penser ici aux poèmes symphoniques). En République, X, 602c-d, Platon oppose les illusions optiques engendrées par la « magie (goètéïa) » des artifices picturaux, et les techniques rationnelles « de la mesure, du calcul et de la pesée » pour s’assurer des dimensions réelles et des proportions véritables des objets.
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