Pour décider du caractère réflexif, réciproque, transitif ou intransitif de l’acte, nous devons nous référer à la structure actantielle impliquée dans le prédicat pratique, et plus précisément à l’interaction entre l’opérateur et son autre. De là il s'ensuit que, dans l'univers animique, tout est affaire de perspective : « Les humains, en conditions normales, voient les humains comme humains, les animaux comme animaux et les esprits (s'ils les voient) comme des esprits ; [certains] animaux (les prédateurs) et les esprits voient les humains comme des animaux (des proies), tandis que [d'autres] animaux (le gibier) voient les humains comme des esprits ou comme des animaux (des prédateurs). François Rastier a déjà proposé et documenté une topologie des zones anthropiques des pratiques13. Il observe dans les cultures, et notamment dans les langues, une série de ruptures homologues et superposables dans les catégories de la personne, du temps, de l’espace et de la modalité, ce qui lui permet de ramener la diversité de ces ruptures catégorielles à une articulation topologique en trois zones : la première, dite « de coïncidence », est dénommée « zone identitaire », la seconde, dite « d’adjacence », est la « zone proximale », et la troisième, dite « d’étrangeté », la « zone distale ». Nous reviendrons plus loin sur les dénominations de ces instances, empruntées à la langue française, et qui sont particulièrement difficiles à partager, y compris dans des langues romanes pourtant proches. Descola fonde quant à lui la notion de schème ontologique sur d’hypothétiques schèmes de prédication transdomaniaux. ), Greimas aujourd’hui. Pour finir sur ce point, quelques mots au sujet de l’orientation de la transformation. Nous reproduisons ici le tableau proposé par Rastier qui homologue les différents types de ruptures catégorielles14 : Rastier justifie en outre cette hiérarchie par le fait que seuls les humains accèderaient à la zone distale, alors que les animaux ne disposeraient que des deux premières, seulement séparées par une frontière empirique. Mais tout au long de ce parcours, et jusqu’aux tonalités, les thématiques pratiques ne sont évoquées et appréhendées que par l’intermédiaire des cas concrets analysés : ainsi rencontre-t-on des tonalités pratiques de reproduction, d’alimentation, d’agression et de défense, mais aussi de montée et de descente, de peur, de repos, etc. Cependant aujourd'hui, relève Philippe Descola, les savants sont « moins prompts à affirmer une discontinuité entre les humains et les non-humains » (p. 251). Rastier), sont faiblement différenciés, leurs propriétés sont instables, peuvent s’échanger, se substituer ou être reconsidérées sans modification de la thématique pratique. Schème du concept et concept de schème Section I. Coquet, « Les formes discursives de l’évaluation », in Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck, 1984 (dernier chapitre) ; « La bonne distance », in La quête du sens, Paris, P.U.F.,1997 ; « Le jeu des pronoms personnels et des instances de discours », in Phusis et Logos, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2007. Pour autant, cette typologie laisse dans l’ombre un certain nombre de questions qui sont essentielles à la typologie thématique des pratiques que nous recherchons. permettant de décrire les schèmes de production de la pratique, dont le plus fameux est l'habitus, qui est une matrice de génération des pratiques inscrite dans la corporalité. Les schèmes de relation, qui sont des dispositions donnant une forme et un contenu à la liaison pratique entre moi et un autrui quelconque, sont classés « selon que cet autrui est équivalent ou non à moi sur le plan ontologique, et selon que les rapports que je noue avec lui sont réciproques ou non » (p. 425). Coquet, « Les formes discursives de l’évaluation », in Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck, 1984 (dernier chapitre) ; « La bonne distance », in La quête du sens, Paris, P.U.F.,1997 ; « Le jeu des pronoms personnels et des instances de discours », in Phusis et Logos, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2007. URL = http://multitudes.samizdat.net/La-syntaxe-des-mondes-Elements-de.html. « Elle s'exprime, par exemple, dans les corrélations entre microcosme et macrocosme qu'établissent la géomancie et la divination chinoise, ou dans l'idée, courante en Afrique, que des désordres sociaux sont capables d'entraîner des catastrophes climatiques » (p. 280). Dans Phusis et Logos, le processus continu d’objectivation est confirmé, et son ressort principal est l’opération de projection qui gère, à partir du centre topologique subjectal, les différents modes de l’articulation entre la phusis et le logos. Rastier, « L’action et le sens pour une sémiotique des cultures », Journal des anthropologues, 85-86, 2001, pp. « L’action et le sens pour une sémiotique des cultures », op. La prédation (contraire du don) consiste à « s'emparer d'une chose sans offrir de contrepartie » (p. 435), mais elle est surtout « une disposition à incorporer l'altérité humaine et non humaine au motif qu'elle est réputée indispensable à la définition du soi » (p. 437). Aussi Descola fait-il appel aux « schèmes de relation » 20 : « Entendus comme dispositions donnant une forme et un contenu à la liaison pratique entre moi et un autrui quelconque, les schèmes de relation peuvent être classés selon que cet autrui est équivalent ou non à moi sur le plan ontologique et selon que les rapports que je noue avec lui sont réciproques ou non. les schèmes de relation donnent un contenu pratique aux interactions entre au moins deux existants ou entre deux groupes d’existants. Il s’agit d’actions inhérentes à « l’évolution phylogénétique des primates sociaux que tous les humains mettent en pratique ». Ainsi, chaque matrice ontologique préfigure un genre de collectif, qui s'attachent pratiquement à répondre aux questions suivantes : « qui est rangé avec qui, de quelle façon, et pour faire quoi ? Sa typologie, issue de la synthèse de l’ensemble des travaux ethnologiques contemporains, est limitée à six types : l’échange, la prédation, le don, la production, la protection, et la transmission, qui sont censés couvrir l’ensemble de la diversité des pratiques de relation constatées et possibles dans l’ensemble des types de collectifs homme-nature. À partir de la critique du dualisme nature/culture, il entreprend une analyse comparative des modes de socialisation de la nature et des schèmes intégrateurs de la pratique : identification, relation et figuration. Doté de ces nouveaux outils (les modes principaux d'identifications) Philippe Descola nous ouvre ensuite les portes d'une compréhension structurale des agencements humains que favorisent chacune de ces ontologies. La réversibilité et ses variantes (non réversibilité et irréversibilité) dépend principalement de la réduction ou de l’extension de la composante actorielle. cit. ), Greimas aujourd’hui. : On constate alors que l’opposition entre « similitude & équivalence » (à gauche) et « connexité & non équivalence » (à droite) ne reprend qu’un seul des deux critères posés au départ, et neutralise voire confond les deux variables, les statuts ontologiques et les rôles actantiels dans la pratique, en mettant les seconds sous la dépendance des premiers. Dans son ouvrage Par-delà nature et culture, il propose une typologie des économies de la connaissance qui ont régi les relations de l’homme avec la faune et la flore. Des zones anthropiques à la topologie anthropique des pratiques, 4. 7 J. Fontanille et N. Couegnas, Terres de sens. Philippe Descola, né en 1949 à Paris, est un anthropologue français.Ses recherches de terrain en Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar, ont fait de lui une des grandes figures américanistes de l'anthropologie. L’avantage de cette symbolique purement conventionnelle, c’est qu’elle ne distingue plus les dimensions actorielles, spatiales, temporelles et modales de ces quatre instances ; elle les désigne globalement, rien de plus. A l'inverse, dans le totémisme, ce n'est pas l'éclatement, ou l'émiettement en singularités qui menace, mais c'est la fusion sans ambiguïté au sein d'un collectif hybride d'individus (humains et non humains). Nous montrerons tout à l’heure que même l’anthropologue Philippe Descola, qui met pourtant en œuvre tout l’appareil conceptuel et méthodologique nécessaire à la construction d’une typologie des pratiques thématiques de relation, achoppe sur la même difficulté. Ensuite, Rastier hiérarchise ces niveaux de ruptures, en distinguant le « monde obvie » (zones identitaire et proximale), celui où la présence perceptible des entités et interactants est constatée, le « monde absent » (zone distale), ce qui le conduit à poser deux frontières de nature différente, une frontière empirique entre les deux premières zones, une frontière transcendantale entre les deux premières et la troisième. Pour opérer un raccourci théorique, nous pouvons dire que ces quatre schèmes déterminent à leur tour quatre « types d’ontologie », « c’est-à-dire de[s] systèmes de propriétés des existants, [qui] servent de points d’ancrage à des formes contrastées de cosmologies, de modèles … Le plus souvent, dans la zone paratopique, les conditions sont remplies pour donner lieu à des formes de vie qui diffèrent de celles des zones endotopique et péritopique. On concédera, dès lors, que l’agentivité précoce n’attend pas le langage verbal pour se mettre en place mais est bien là, dés les premiers gestes de parentage ! Descola ne se contente pas d’un inventaire, il l’organise sous la forme d’une typologie structurale qui repose sur deux variables : (1) les existants partenaires sont équivalents ou non sur le plan ontologique et (2) leurs relations sont réciproques et réversibles ou non. Du sens et des langages, Meknès, Presses de l’Université Moulay Ismail, Série Actes de colloques, 51, 2019. Elle s’apparentera de ce point de vue, mais sans se confondre avec elle, à la sémiosphère de Lotman. » (p. 342). distance entre la théorie et la pratique des naturalistes à la fois obsédés par une division nature/culture, et incapables d!en montrer la réalité, etc. Non seulement les qualités de la proie sont amplifiées et valorisées, mais elles sont en outre appelées à survivre pleinement dans l’existence future du clan. cit. Ce qui caractérise généralement l'animisme c'est « l'imputation par les humains à des non-humains d'une intériorité identique à la leur » (p. 183). Enfin, selon l'auteur, « la transmission est avant tout ce qui permet l'emprise des morts sur les vivants par l'entremise de la filiation » (p. E. Landowski, Passions sans nom, Paris, P.U.F., 2004, et Les interactions risquées, Limoges, Pulim, 2006. Cette première ébauche doit certes être discutée, confrontée et affinée, mais son principe est désormais posé : la topologie que nous cherchons à construire est centrée et concentrique. Aucun de ces schèmes de la pratique n'est hégémonique, « aucun ne régit à lui seul l'ethos d'un collectif » (p. 458), précise l'auteur, « on peut seulement dire que l'un ou l'autre d'entre eux acquiert une fonction structurante en certain lieux » (p. 432), et constitue « un horizon éthique informulé, un style de mœurs que l'on a appris à chérir » (p. 458). Parce que « l'intériorité et la physicalité sont ici fragmentées en chaque être entre des composantes multiples, mobiles et en partie extra-corporelles [doctrine antique des quatre éléments, théorie chinoise ou ayurvédique des cinq éléments, jeu des oppositions entre humeurs masculines et féminines que l'on retrouve, par exemple, en Afrique], dont l'assemblage instable et conjoncturel engendre un flux permanent de singularités » (p. 314), l'analogisme se protège en usant de l'analogie avec une « systématicité admirable » (p. 315), et ce, « afin de cimenter un monde rendu friable par la multiplicité de ses parties » (p. 315). « Si l'animisme et le naturalisme érigent tous deux la société humaine en modèle général des collectifs, il le font de façon très dissemblable. Ce dernier, en effet, montre que les animaux, comme les humains, ont accès à une « zone magique » et à un imaginaire, qui consiste justement en une suspension du couplage entre perception et action : l’animal agit alors, à l’égard de son milieu immédiat, à l’égard de telle ou telle figure qui y apparaît, de tel ou tel autre existant avec lequel il interagit, sans lien avec sa perception, voire en contradiction avec celle-ci. De tels rituels s’apparentent plus à la transmission de la valeur qu’à la simple appropriation-dépossession. Introduction à la fiche de lecture sur Par-delà nature et culture, de Philippe Descola: Max Claude Cappelletti a souhaité que je vous fasse partager cette fiche et ce que j’en ai Nous avons pris le parti de dénommer directement le prédicat des pratiques, aussi bien pour l’inventaire anthropologique repris de Descola (colonne de gauche), que du côté de la typologie thématique détaillée (colonne de droite). Le naturalisme est véritablement anthropocentrique en ce que « les non-humains y sont définis de manière tautologique par leur défaut d'humanité » puisque « c'est dans l'homme et ses attributs que réside le parangon de la dignité morale dont les autres existants sont dépourvus » (p. 355). 16 J. Fontanille, « Des conflits de formes de vie chez Idrissa Ouedraogo. C'est parce que le morcellement est immense et que les assemblages sont toujours inconsistant que la subjectivité analogique est soumise à l'invariance de ce questionnement : « comment authentifier un point de vue rassembleur dans ce cosmos d'immanences particularisées ? Ici il s'agit davantage de schèmes de la pratique, c'est-à-dire, selon une analyse que Lévi-Strauss avait lui-même esquissée dans La pensée sauvage, une mise en fonctionnement de ces structures mentales dans des situations et des pratiques données. Von Uexküll, Milieu animal et milieu humain, trad. Rappelons seulement ici la conclusion que nous en avons déjà tirée : Cette discussion montre au moins deux choses : d’une part, les apports de l’anthropologie nous incitent à ouvrir plus largement les possibilités de la combinatoire narrative, et d’autre part, les conséquences que nous en tirons montrent que la typologie des schémas narratifs pertinents est plus étendue que celle produite par la stricte déduction greimassienne, qui s’est en quelque sorte « autolimitée ». Doté de cet outillage conceptuel, Philippe Descola réussit à produire une première classification des différents modes du schème de l’identification. Les modes d identification Descola définit l identification comme « la capacité à appréhender et à répartir certaines des continuités et discontinuités qui sont offertes à notre emprise par l observation et la pratique de notre environnement » (p. 168). En revanche, les actants n’ont aucune autre propriété ontologique spécifique, et ils peuvent être manifestés concrètement sous toutes les espèces différentes de l’existence : humains, non-humains et même non-vivants. J.-Cl. C'est parce que les humains, les totems et tous les autres existants « furent placés dans l'ordre social-et-naturel par les êtres du Rêve qu'il existe entre eux tous une relation pérenne d'origine et de substance communes » [ 9] (nous dit Francesca Merlan), d'où se déploie l'idée que « l'homme et la nature forme un tout organique, un tout à la fois vivant et social » [ 10]. La topologie que nous recherchons doit en effet distinguer deux types de distance : une distance à l’intérieur du même mode d’existence, et une distance entre deux modes d’existence. J. Fontanille, « Des conflits de formes de vie chez Idrissa Ouedraogo. Notre démarche est apparentée à celle de Greimas au moment où il pose les premières bases de la sémiotique structurale, dès Sémantique Structurale et Du Sens I. Il part en effet d’un inventaire de rôles et de fonctions narratives, tel que proposé par Propp, sur lequel il projette deux modèles « démultiplicateurs » principaux : i) celui de la topologie de la scène prédicative originelle, qui croise la relation de transfert (Destinateur / Destinataire) et la relation de visée et de désir (Sujet / Objet), et ii) dans un second temps, le modèle des modalités du faire et de l’être, qui permet de démultiplier les situations narratives et affectives. Leur positionnement dans la structure de la scène pratique n’impliquant pas de relation duelle immédiate, il n’implique aucun prérequis concernant la nature de leur relation. Une typologie thématique des pratiques est envisageable, et elle serait fondée pour partie, en prolongement des critères retenus par Descola, sur les propriétés de leur scène prédicative, en deux branches : d’un côté la structure de leur diathèse (cf. Ensuite, la limitation à trois zones ne permet pas de prendre en compte les « modes d’existence » propres à chacune de ces zones. 183-219. « Les totems de filiation, les totems de conception, les âmes-enfants, les sites totémiques mêmes » (qui sont les véritables sujets des sociétés totémiques), « instrumentalisent les humains en se servant de leur dynamisme et de leur vitalité afin de reproduire, génération après génération, le grand ordonnancement segmenté » (p. 401) nous rappelle Philippe Descola. Il faut pour cela qu’ils soient dotés d’un corps et d’une énergie, un corps sensible qui éprouve les états de choses et leurs transformations, et une énergie modale qui contribue à la réalisation pratique de ces dernières. 658 PHILIPPE DESCOLA restait à examiner la manière dont les grands archipels ontologiques découpés par ces modes sont structurés et différenciés de façon interne par des schèmes de relation organisant les comportements concrets. Pour Philippe Descola (op. Pour les pratiques « mutuelles », la réduction est maximale et l’interaction duale ne distingue pas même les rôles entre les acteurs ; pour les pratiques à réciprocité restreinte, l’interaction laisse place à une distinction et à une possible inversion des rôles ; pour les pratiques à réciprocité généralisée, la distinction des rôles est ouverte à tous les tiers, et la réversibilité devient problématique, et soumise à des conditions spécifiques ; enfin, pour les pratiques irréversibles, la distinction des rôles est définitivement figée, l’un d’entre eux échappant à la catégorie de la personne, une sorte d’actant vide ou insaisissable, un « trou noir » de la structure. J.-Cl. C'est cette « continuité interspécifique des physicalités et des intériorités » (p. 225) qui fait la spécificité de cette ontologie (ou de ce mode d'identification), où chaque individu est « l'actualisation d'un des états successifs par lesquels est passée la genèse de l'identité collective propre à l'ensemble dont il fait partie » (p. 407). Mais le potentiel de déploiement de cette base typologique est sévèrement réduit par une double implication : l’appropriation par S1 implique la dépossession de S2, et l’attribution à S1 implique la renonciation de S2. Ses recherches de terrain en Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar, ont fait de lui une des grandes figures américanistes de l'anthropologie. Les cas extrêmes du totémisme (toutes les intériorités et extériorités des existants sont ontologiquement semblables) et de l’analogisme (toutes les intériorités et extériorités des existants sont ontologiquement dissemblables) sont particulièrement troublants à cet égard, puisque dans le premier, seules les pratiques du premier groupe (à gauche du tableau) seraient possibles, et dans le second (à droite du tableau), seules les pratiques du deuxième groupe pourraient être admises. Pour éviter la confusion avec le modèle de Rastier, qui mérite mieux qu’un bricolage de notre part, nous utiliserons, pour préciser cette hypothèse, une autre terminologie, que nous avons déjà utilisée pour traiter un problème très spécifique, au cours de l’analyse concrète de deux films d’Idrissa Ouedraogo16. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005. Cette typologie est basée sur deux listes, celle de quatre types d’ontologies, et celle de six types de relations. En zone paratopique, « ailleurs », les actes transforment et affectent non seulement les objectifs, mais aussi l’horizon lui-même, et c’est pourquoi dans cette zone dominent la transitivité et la réciprocité généralisées et ouverte aux tiers), ainsi que la non réversibilité des objectifs, mais d’une manière toute provisoire, car la modification des objectifs peut ouvrir d’autres possibilités de réciprocité et de réversibilité. Les subjectivités analogiques prolifèrent en tout lieu, comme dans les cosmologies animiques, mais « sur un mode beaucoup plus diffus et ambivalent, réfractées qu'elles sont dans des supports imprévus » (p. 409). Pourtant cette asymétrie posée comme obligatoire ne résiste pas à l’examen : l’asymétrie des rôles actantiels de la production, entre producteur et produit, ou entre protecteur et protégé, ne requiert pas la non équivalence des statuts ontologiques : en se reproduisant, par exemple, les êtres vivants produisent, dans une relation où les rôles ne sont pas réversibles, d’autres êtres vivants ; de même, rien n’interdit que le protecteur et le protégé puissent appartenir aussi bien à deux catégories d’existants différentes (« la montagne protège le village ») qu’à une seule (« la police protège les manifestants »). Dès lors, chacune de ces instances correspond à un ensemble pluri-thématique spécifique d’interactions pratiques. Il nous faut d’abord nous concentrer sur la forme prédicative des schèmes pratiques, et de la distribution des rôles actantiels qu’elle implique. 23-28, et J. Fontanille, « Pratiques et formes de vie : la sémiotique de Greimas à l’épreuve de l’anthropologie contemporaine », in Anouar Ben Msila (éd. Descola s’intéresse plus particulièrementaux schèmes non conscients dotés d’un haut degré de généralité : les « schèmes intégrateurs de la pratique » (p. 204). Rastier, François, « L’action et le sens. 4 AU SEUIL DE LA FORET. Nous proposons par conséquent de repartir strictement de l’inventaire anthropologique de Descola, et de rechercher un autre format topologique que celui d’une table combinatoire, une topologie plus stable, et si possible généralisable, en tant que modèle anthropo-sémiotique des pratiques. Tout d’abord, les thématiques pratiques de chacune de ces zones ne sont pas ici accessibles, du moins dans la présentation dont nous avons aujourd’hui connaissance. La topologie peut alors être complétée ainsi : Nous pouvons maintenant projeter, sur l’inventaire des six schèmes pratiques de relation, les quatre zones de la topologie des propriétés prédicatives des pratiques, dont le rôle démultiplicateur permet de proposer à titre indicatif quelques dénominations des thématiques pratiques qui en découlent. Dans le monde animal (et donc aussi dans le monde humain), il y a bien deux manières d’être « à distance » : être « au loin », et être « dans un autre mode d’existence ». Des passions du corps comme médiation et transgression », in Gianfranco Marrone et Francesco Mazzuchelli (éds. 1 E. Landowski, La société réfléchie, Paris, Seuil, 1985. Philippe Descola est connu pour ses travaux sur l’une des quatre tribus Jivaros, les Achuar. Si les schèmes de relation sont constitutifs des collectifs, ne peut-on faire l’hypothèse qu’ils contribuent à la catégorisation des existants au sein de tel ou tel collectif, en fonction des rôles qu’ils peuvent occuper dans les pratiques dominantes ? Aucun de ces schèmes pratiques ne régit à lui seul l’identité ou l’ethos d’un collectif, car c’est la combinaison et la hiérarchie adoptée qui caractérise cet éthos. J. Fontanille et N. Couegnas, Terres de sens. Cette société concevait possiblement la perpétuation des rapports sociaux à travers le schème de la similitude, c’est-à-dire la reproduction sociale comme production de similitude. 5 J. Ces schèmes particuliers ne sont pas une collection complètement arbitraire. La typologie des schèmes pratiques de relation chez Descola, 3. L’enjeu du sujet en devenir serait bien « d’être et de rester l’agent des états mentaux des parents, d’être au coeur des schèmes de la pratique, du vivre ensemble (Ph. Greimas avait, dans Du Sens II, ébauché une première strate de la typologie des prédicats narratifs, qui aurait pu être le point de départ d’une typologie thématique des pratiques6. Ils sont humains par leur comportement, leur maîtrise du langage, l'intentionnalité dont il font preuve dans leurs actions, les codes sociaux qu'ils respectent et instituent, mais ils ont l'apparence ou portent le nom de plantes ou d'animaux et sont à l'origine des stocks d'esprits, déposés dans les sites où ils disparurent, et qui s'incorporent depuis dans les individus de l'espèce ou de l'objet qu'ils représentent et dans les humains qui ont cette espèce ou cet objet pour totem » (p. 207). L’ingénierie de formation consiste en un champ de pratique qui construit des dispositifs de formation en corrélation avec des besoins identifiés pour un public donné, dans une situation donnée. ), Forme de vita / Forme del corpo, Versus, 128, 2019. Dans les sociétés animiques, il existe autant d'espèces sociales qu'il y a de « formes-comportements », de sorte que les espèces dotées d'une intériorité analogue à celle des humains sont réputées vivre au sein de collectifs possédant une structure et des propriétés identiques à celle des humains : « avec des chefs, des chamanes, des rituels, des habitations, des techniques, des artefacts, qui s'assemblent, se coalisent et se querellent, pourvoient à leur subsistance et s'épousent selon les règles » (p. 342). Il y a donc des dons et des contre-dons multiples, mais qui passent par l’intermédiaire du réseau des actants. Chaque combinaison induit une forme d’asymétrie dans le système, et caractérise de ce fait une classe de « formes de vie ». Concernant la relation asymétrique positive qu'induit le don, l'auteur propose une définition contraire à l'usage établi par Mauss où le don se voit désigné comme « un transfert consenti sans obligation d'un contre-transfert » (p. 431). S'ils doivent avoir leur substance dans les propriétés sensibles et mentales des individus, ces schèmes sont plus que la somme consensuelle d'individualités. Au centre de cette ontologie, « c'est bien la différence infiniment démultipliée qui fait l'état ordinaire du monde, et la ressemblance le moyen espéré de le rendre intelligible et supportable » (p. 281). Ph. Elle situe également les types d’objets sur chacune des deux frontières, en spécifiant le rôle qu’ils jouent dans ces mêmes passages entre zones. Elle participe elle aussi de la diathèse du prédicat thématique, mais en un autre sens : la réversibilité concerne en effet principalement le potentiel de développement syntagmatique d’une transformation, et particulier la possibilité, pour chaque transformation, d’être elle-même transformée par inversion des rôles entre les acteurs qui les assument successivement.

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